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Les inégalités dans l’industrie musicale : un regard critique

L’industrie musicale est un univers fascinant et en perpétuel changement, où talent et passion se mêlent pour créer des œuvres intemporelles. Cependant, derrière les projecteurs et les hits qui battent des records de streams, se cachent des inégalités structurelles profondes qui freinent l’épanouissement de nombreux artistes. Ces disparités prennent des formes diverses, qu’il s’agisse de la répartition inéquitable des revenus du streaming, de la sous-représentation des femmes et des minorités, du monopole des grandes maisons de disques ou encore des difficultés rencontrées par les artistes indépendants pour se faire entendre.

Dans cet article, nous allons explorer les multiples facettes de ces inégalités à travers des analyses chiffrées, des exemples concrets et des solutions pour rendre l’industrie plus juste et inclusive.

1. La disparité des revenus entre artistes et plateformes

La rémunération des artistes via le streaming est un sujet de préoccupation croissante, avec des évolutions notables ces dernières années. En 2024, Spotify a annoncé avoir contribué 10 milliards de dollars à l’industrie musicale, portant son total à près de 60 milliards depuis sa création en 2006. Selon David Kaefer, vice-président de Spotify, plus de 10 000 artistes gagnent désormais plus de 100 000 dollars par an grâce à la plateforme, une augmentation significative par rapport à 2014. 

Cependant, malgré ces chiffres impressionnants, la majorité des artistes perçoivent des revenus modestes du streaming. Une étude récente indique que 90 % des artistes génèrent moins de 1 000 euros par an via ces plateformes. 

Un exemple concret :

Nadine Shah, une chanteuse et compositrice britannique reconnue pour ses albums indie et rock alternatif, a attiré l’attention sur la précarité financière des musiciens lors d’une audience au Parlement britannique en 2020. Malgré une carrière florissante et une présence régulière sur les playlists de streaming, elle a déclaré qu’elle avait du mal à payer son loyer uniquement avec les revenus issus du streaming. Elle a souligné le décalage entre la perception du succès et la réalité financière des artistes, expliquant que la majorité d’entre eux ne pouvaient pas vivre de leur musique sans sources de revenus supplémentaires.

Son témoignage a été un élément clé dans le débat sur la réforme des modèles de rémunération des artistes. Il a conduit à une prise de conscience accrue sur le besoin d’une distribution plus équitable des revenus du streaming, et a poussé des associations d’artistes à faire pression sur les plateformes et les labels pour réévaluer les systèmes de paiement.

Face à ces inégalités, des initiatives ont été mises en place pour améliorer la rémunération des artistes. Un accord du 12 mai 2022, étendu par arrêté ministériel, a fixé des taux garantis pour les artistes rémunérés sur le mode proportionnel, oscillant entre 10 % et 13 %, selon les modèles de production. En cas de contrat de licence exclusive, ce taux peut atteindre 28 %. Pour les artistes rémunérés au forfait, l’accord prévoit des avances minimales de 1 000 euros par album inédit et des primes liées à des jalons d’écoutes. 

Malgré ces efforts, de nombreux artistes estiment que les plateformes de streaming ne rémunèrent pas équitablement les créateurs. Une directive européenne de 2019 a acté le principe d’une “rémunération appropriée et proportionnelle des interprètes”, mais sa mise en œuvre reste incomplète. 

En réponse, certaines plateformes explorent des modèles alternatifs de rémunération, tels que le système “user-centric”, où l’abonnement de chaque utilisateur est réparti entre les artistes qu’il écoute, plutôt que d’utiliser le modèle “pro-rata” actuel. Cette approche vise à mieux aligner les intérêts des artistes, des fans et des services de streaming. 

En conclusion, bien que des progrès aient été réalisés pour améliorer la rémunération des artistes via le streaming, des défis subsistent. Il est essentiel de poursuivre les efforts pour garantir une rémunération plus équitable et transparente pour tous les créateurs.

2. Les inégalités de genre dans l’industrie musicale

Les femmes et les minorités de genre continuent de faire face à des barrières significatives dans l’industrie musicale. Ces obstacles se manifestent sous diverses formes : sous-représentation, discrimination, harcèlement et inégalité salariale.

Selon le rapport “Be The Change” de 2024, 49 % des femmes estiment que l’industrie musicale est « généralement discriminatoire » en fonction du genre, contre seulement 16 % des hommes, révélant un écart de perception significatif. De plus, trois femmes sur cinq dans la musique ont été victimes de harcèlement sexuel, et une sur cinq d’agression sexuelle. Parmi celles qui ont signalé une agression sexuelle, 56 % ont déclaré que leur plainte avait été ignorée ou rejetée, près d’un tiers ont été sommées de se taire, et 12 % ont même été licenciées par la suite. 

Quelques faits marquants :

Une étude de l’University of Southern California (USC) de 2022 a révélé que seulement 22,3 % des artistes figurant dans le Billboard Hot 100 étaient des femmes.

Une enquête de 2023 par le collectif « Women in Music » a démontré que 70 % des femmes travaillant dans l’industrie musicale ont déjà subi du harcèlement sexuel ou des discriminations.

Exemples concrets :

Kesha : La chanteuse américaine a publiquement accusé son ancien producteur, Dr. Luke, de harcèlement sexuel et d’abus psychologiques. Son combat juridique a mis en lumière le système oppressif en place où les artistes, en particulier les femmes, peuvent être liés à des contrats défavorables et subir des abus sans recours immédiat. Cette affaire a poussé de nombreuses figures de l’industrie musicale à dénoncer des pratiques similaires et à exiger des protections accrues pour les artistes.

Lauren Mayberry (Chvrches) : La chanteuse du groupe Chvrches a souvent dénoncé les menaces et abus en ligne auxquels elle fait face en tant que femme dans l’industrie musicale. Dès les débuts du groupe, elle a reçu quotidiennement des messages haineux et des menaces de violences sexuelles, illustrant ainsi la toxicité de certains milieux du divertissement. En 2023, elle a témoigné dans plusieurs interviews sur la pression constante exercée sur les artistes féminines pour se conformer à des standards irréalistes et sur l’impact psychologique des cyberattaques misogynes. Mayberry a également souligné comment les festivals et les médias favorisent souvent une image stéréotypée des femmes musiciennes, les cantonnant à des rôles secondaires ou les réduisant à leur apparence physique plutôt qu’à leur talent musical. En réponse à ces attaques, elle a utilisé sa plateforme pour sensibiliser aux questions de misogynie dans l’industrie musicale et encourager les jeunes artistes féminines à poursuivre leur carrière malgré les obstacles. Son engagement a contribué à une prise de conscience accrue et à des discussions plus ouvertes sur la nécessité d’une meilleure protection des femmes dans le secteur.

Susan Rogers, ingénieure du son de Prince, a souvent parlé des difficultés à être acceptée dans un environnement majoritairement masculin où les femmes doivent constamment prouver leur valeur. Elle a expliqué comment les préjugés et le manque de mentors féminins rendent l’évolution de carrière plus difficile pour les femmes dans les métiers techniques de la musique.

Annie Mac, DJ et animatrice de la BBC Radio 1, est une fervente défenseure de l’égalité des genres dans l’industrie musicale. Elle a régulièrement dénoncé la sous-représentation des femmes dans les festivals de musique et sur les grandes stations de radio. En 2023, elle a cofondé l’initiative Equalising Music, qui milite pour la parité des genres dans les programmations de festivals et la promotion des femmes DJ et productrices. Grâce à son influence, plusieurs festivals britanniques, dont Glastonbury et Reading & Leeds, ont adopté des quotas visant à garantir une plus grande diversité sur scène.

Annie Mac a également mis en lumière les discriminations subies par les femmes DJs, qui doivent souvent faire face à des doutes sur leurs compétences et un manque d’opportunités par rapport à leurs homologues masculins. En tant que productrice et curatrice musicale, elle a travaillé à donner plus de visibilité aux talents féminins à travers ses émissions et ses festivals. Son travail continue d’inspirer de nombreuses jeunes femmes à poursuivre des carrières dans l’industrie musicale, malgré les obstacles structurels encore présents.

Solutions possibles ?

Mettre en place des quotas : Encourager la présence des femmes dans les festivals, les maisons de disques et les postes de direction.

Créer des réseaux de soutien : Des associations comme « Women in Music » et « SheSaidSo » offrent des ressources et du mentorat aux femmes dans l’industrie musicale.

Adopter des politiques internes strictes contre le harcèlement : Les labels et les entreprises musicales doivent mettre en place des protocoles clairs pour lutter contre le harcèlement et assurer un environnement de travail sécurisé.

Conclusion : Agir pour un avenir meilleur

Mettre en place des quotas : Encourager la présence des femmes dans les festivals, les maisons de disques et les postes de direction.

Créer des réseaux de soutien : Des associations comme « Women in Music » et « SheSaidSo » offrent des ressources et du mentorat aux femmes dans l’industrie musicale.

Adopter des politiques internes strictes contre le harcèlement : Les labels et les entreprises musicales doivent mettre en place des protocoles clairs pour lutter contre le harcèlement et assurer un environnement de travail sécurisé.

3. Les Inégalités entre Artistes Signés et Artistes Indépendants

L’industrie musicale est marquée par une distinction majeure entre les artistes signés par des labels et ceux qui évoluent en indépendants. Alors que les maisons de disques offrent des ressources financières et promotionnelles considérables, les artistes indépendants doivent souvent jongler avec plusieurs rôles pour produire, distribuer et promouvoir leur musique. Cette disparité entraîne des inégalités significatives en termes de visibilité, de rémunération et d’accès aux opportunités.

Les avantages des artistes signés

Les artistes signés bénéficient généralement d’un soutien financier et logistique important de la part de leur label. Les majors, comme Universal Music, Sony Music et Warner Music, disposent de vastes réseaux de distribution et de promotion qui permettent d’assurer une forte présence médiatique et commerciale.

Avantages clés :

– Budget marketing et promotionnel : Les labels investissent massivement dans la publicité, les clips et les tournées promotionnelles.

– Accès aux playlists et aux médias : Les maisons de disques ont des relations privilégiées avec les plateformes de streaming, radios et médias musicaux.

– Encadrement professionnel : Des équipes dédiées prennent en charge la production, le marketing, la distribution et la gestion des contrats.

– Avances financières : Les artistes reçoivent des avances leur permettant de se concentrer sur leur musique sans pression financière immédiate.

Inconvénients :

Perte de contrôle artistique : Les labels peuvent imposer des choix commerciaux et limiter la liberté artistique.

Contrats déséquilibrés : De nombreux artistes se retrouvent liés par des accords défavorables, leur laissant une faible part des revenus générés.

Remboursement des avances : Les sommes avancées par le label doivent être récupérées avant que l’artiste puisse percevoir des bénéfices significatifs.

Les défis des artistes indépendants

À l’inverse, les artistes indépendants doivent gérer eux-mêmes l’ensemble de leur carrière, ce qui représente un défi considérable.

Défis principaux :

Auto-financement : Sans label, les artistes doivent investir leurs propres ressources pour produire et promouvoir leur musique.

Difficulté d’accès aux playlists et aux radios : Les plateformes de streaming favorisent souvent les artistes signés, réduisant la visibilité des indépendants.

Manque de soutien logistique : La gestion de la distribution, du marketing et des contrats repose entièrement sur l’artiste ou son équipe réduite.

Rémunération limitée : Les revenus du streaming restent faibles, et les artistes indépendants doivent multiplier les sources de financement (concerts, merchandising, financement participatif).

Exemples d’artistes indépendants réussis :

Russ : Cet artiste américain a prouvé qu’il était possible de réussir sans label en publiant régulièrement sa musique sur les plateformes de streaming. Grâce à sa stratégie d’auto-production et de distribution, il a généré des millions de dollars de revenus tout en conservant 100 % de ses droits musicaux.

Chance the Rapper : Il a révolutionné l’industrie en obtenant un Grammy Award pour un album uniquement disponible en streaming, sans le soutien d’un label.

L’industrie de l’Afrobeats au Nigeria : Des artistes comme Burna Boy et Wizkid ont d’abord émergé en indépendants avant de signer avec des labels internationaux. Cependant, l’absence de structure et de régulation rend difficile la monétisation locale du succès international de l’Afrobeats.

Conclusion

Les inégalités entre artistes signés et indépendants reflètent les déséquilibres profonds de l’industrie musicale. Si les artistes signés bénéficient de ressources considérables, les indépendants doivent faire preuve d’ingéniosité et d’autonomie pour réussir. Toutefois, grâce aux nouvelles technologies, aux plateformes de streaming et aux réseaux sociaux, de plus en plus d’artistes indépendants parviennent à s’imposer sur la scène musicale mondiale.

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